28/08/2016

Audit de la politique de l'eau: la continuité écologique n'est "plus jugée prioritaire"

Un rapport d'audit de la politique de l'eau et de la biodiversité rédigé par le CGEDD constate que la mise en oeuvre de la continuité écologique se heurte à des "problèmes techniques, économiques, sociologiques et patrimoniaux". Elle est antinomique de la volonté de relancer l'hydro-électricité des basses chutes. Le rapport souligne également que la politique de l'eau ne se donne pas les moyens de ses ambitions. L'inflation normative et réglementaire n'a pas beaucoup de sens si les financements ne sont pas disponibles à hauteur des programmations et des obligations qu'elles induisent.




La Synthèse nationale des audits de la mise en œuvre des politiques de l’eau et de la biodiversité conduits en 2015 est parue, sous forme d'un rapport du CGEDD rédigé par Pascale Boizard. Les départements de Haute-Savoie, du Haut-Rhin, de Lot-et-Garonne, de Guadeloupe et des Yvelines ont été retenus par le Directeur de l’eau et de la biodiversité (DEB) et la Directrice générale de la prévention des risques (DGPR) pour faire l’objet de cet audit.

Dans les principales observations de ce rapport, on retiendra notamment :
  • "les différents chantiers affichés au niveau national sans priorisation ne sont pas cohérents avec les moyens en réduction des services";
  • "les organisations professionnelles agricoles se sont opposées parfois de manière violente aux 5e “programmes d’actions nitrates” et à l’extension des zones vulnérables. Cette opposition est d’autant plus forte que le secteur de l’élevage qui supporte les obligations les plus impactantes économiquement, est en crise. Le mouvement d’abandon de l’élevage ou de reconversion et partant, de mise en culture des prairies engagé depuis de nombreuses années, s’en trouve ainsi accéléré au détriment de la qualité des eaux". ;
  • "le développement des connaissances relatives à la biodiversité et leur structuration progressent. Il reste encore insuffisant pour permettre de mesurer l’évolution de l’état de conservation de la biodiversité".
Concernant plus particulièrement la continuité écologique, voici l'extrait des conclusions de l'audit :

"La mise en œuvre des arrêtés de classement de cours d’eau au titre de la continuité écologique pose, selon les départements, les cas et les points de vue, des problèmes techniques, économiques, sociologiques et patrimoniaux. Certes fondés sur le plan scientifique, ils ne sont pas compatibles dans l’échéance législative prévue avec les moyens des services et se heurtent à la fois aux enjeux patrimoniaux des moulins et à une injonction paradoxale liée à la volonté de relance de la production hydroélectrique de basse chute. La démarche de restauration de la continuité écologique dont l’organisation était bien avancée, est ainsi à restructurer et, parfois, n’est plus jugée prioritaire."

A mi-chemin du premier délai de 5 ans pour aménager les ouvrages en rivières classées liste 2 au titre de la continuité écologique, cet audit acte déjà l'échec partiel de la réforme. Ses conclusions restituent ce que nous observons sur le terrain.

On peut en revanche douter que les classements des rivières de 2012-2013 aient été "fondés sur le plan scientifique", comme l'affirme le rapport. Pour cela, il faudrait disposer d'une publication complète des mesures et modèles ayant conduit à prioriser les rivières ou les tronçons à l'occasion de ces classements (et non d'un document technique d'accompagnement sous forme de simple listing sans aucune justification scientifique). Tout indique au contraire que le classement a été improvisé sur la base de données parcellaires et de reprises des anciennes "rivières réservées" à fin uniquement halieutique, sans aucune analyse réelle de l'ensemble de la biodiversité aquatique, des probabilités de succès pour les populations-cibles, de la part exacte de la continuité longitudinale dans l'altération des bio-indicateurs, des retours d'expérience de la restauration physique des rivières, etc. Sans parler du non-sens économique pour une exigence de mise en conformité très coûteuse et non solvabilisée, n'améliorant pas de manière claire les services rendus aux citoyens par les écosystèmes, conduisant de ce fait à une impasse programmée.

On attend désormais avec la plus grande impatience le rapport complet du même CGEDD sur l'audit de la mise en oeuvre de la continuité écologique et de ses blocages, prévu pour cette rentrée.

Référence : Boizard P CGED (2016), Synthèse nationale des audits de la mise en œuvre des politiques de l’eau et de la biodiversité conduits en 2015, Rapport n° 010665-01

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