30/01/2017

Livre blanc du syndicat des énergies renouvelables et hydro-électricité



Placer toute l'hydroélectricité sous la tutelle de la direction de l'énergie et du climat, et non de celle de l'eau et la biodiversité pour les petites puissances ; rendre les prescriptions environnementales compatibles avec nos objectifs ambitieux de transition énergétique : ces deux mesures parmi d'autres seront défendues par le Syndicat des énergies renouvelables auprès des candidats à l'élection présidentielle. Un autre enjeu important est à défendre pour les moulins, étangs et riverains : simplifier grandement les procédures d'autoconsommation avec injection du surplus, afin que chacun puisse produire facilement.  


Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) vient de publier son Livre blanc. Le mardi 31 janvier, à l’occasion de son colloque annuel, le  SER invitera les principaux candidats à l’élection présidentielle à présenter leur vision du rôle des énergies renouvelables dans le mix énergétique français. Il leur proposera de se positionner sur les orientations stratégiques détaillées dans ce Livre blanc.

Deux propositions à soutenir: une tutelle administrative de l'énergie (et non plus de l'eau), une révision en profondeur de la continuité écologique
Nous publions ci-dessous quelques extraits du chapitre consacré à l'hydro-électricité. Parmi les points que nous appelons à soutenir tout particulièrement dans les prochains mois, tant auprès des candidats à la présidentielle que de ceux à la députation:

  • placer toute l'hydro-électricité (petite ou grande) sous le tutelle de la direction de l'énergie et du climat.  La direction de l'eau et de la biodiversité est aujourd'hui en charge de la petite hydro-électricité, mais elle n'est pas dans son domaine premier de compétence et, pour l'essentiel, cette direction travaille à freiner le développement de cette énergie renouvelable au lieu de le favoriser, ce qui rend la politique publique illisible;
  • réviser en profondeur la réforme de continuité écologique, qu'il s'agisse de son périmètre, de ses méthodes, de sa gouvernance, de son suivi, de ses analyses coût-bénéfice et de son financement. La continuité est un angle légitime de gestion des rivières mais sa mise en oeuvre administrative s'est révélée coûteuse, complexe et conflictuelle, ainsi que contraire à l'objectif de développement de l'hydro-électricité (soit par destruction pure et simple du potentiel énergétique, soit par exigence d'aménagements à financement public défaillant, dont le surcoût imposé et la perte de productible annulent tout espoir de rentabilité pour beaucoup d'exploitants). Au-delà des amendements d'urgence déjà votés, c'est une remise à plat complète de cette continuité qui s'impose, pour en faire un instrument consensuel, durable et réaliste de la politique des rivières et plans d'eau. 

Une proposition à construire: faciliter l'autoconsommation pour des dizaine de milliers de sites potentiels
Notre regret concernant ce Livre blanc: l'absence de proposition sur l'autoconsommation avec injection du surplus. Des premières mesures ont été prises dans la loi de transition énergétique et son ordonnance d'application, mais elles sont encore insuffisantes pour l'objectif : que les foyers soient réellement incités à produire avec l'énergie locale dont ils disposent.

Chaque rivière française de taille petite ou moyenne possède des ouvrages de moulins susceptibles de relancer facilement la production qui était la leur jusqu'au XXe siècle (voir cette synthèse). L'obstacle n'est pas technologique: roue, vis, turbine, hydroliennes permettent de produire à toute hauteur et tout débit, avec des génératrices adaptées. Mais la puissance de ces sites, de quelques kW à dizaines de kW, n'est pas toujours suffisante pour motiver le montage d'un dossier complet d'injection, dans le cadre d'une activité considérée aujourd'hui comme industrielle, avec ce que cela implique en complexité (création de société commerciale, souscription d'un contrat de 20 ans, instruction détaillée par le service administratif, etc.). Nous sommes devant un paradoxe: alors qu'il est techniquement simple de produire sur un site (l'équivalent de plusieurs dizaines à centaines de m2 de panneaux solaires), c'est administrativement et fiscalement compliqué.

La relance des moulins se heurte ainsi à des obstacles qu'il appartient de surmonter: régime fiscal clair pour les particuliers, contrat d'injection du surplus (à prix de marché, sans aucune subvention), intégration des effacements et des protections de découplage dans les compteurs intelligents, soutien public (indispensable) aux dispositifs écologiques d'accompagnement, dont la continuité, Turpe dimensionnée à la taille très modeste du productible, dossier environnemental simplifié.

La double modernisation écologique et énergétique des moulins est un enjeu qui intéresse tous les territoires, chaque département comptant des centaines à des milliers de sites. Mais elle ne peut réellement progresser que par un contrat simple et universel incitant les gens à produire leur électricité et à injecter ce qu'ils ne consomment pas sur le réseau local. L'aide publique peut être nulle pour l'énergie (le maître d'ouvrage assume totalement son équipement, il ne bénéficie pas d'un tarif spécial de rachat pour le surplus d'électricité produite), mais elle doit en revanche être totale pour l'écologie: la collectivité doit financer les équipements qu'elle exige quand ces équipements relèvent de la poursuite d'un bien commun, et non pas de l'intérêt particulier du maître d'ouvrage (qui se voit au contraire imposer une nouvelle servitude d'entretien et surveillance des dispositifs écologiques mis en place).

Extraits du Livre blanc du SER (hydro-électricité)
Avec plus de 25 000 MW de puissance installée, l’énergie hydraulique délivre chaque année 70 TWh d’électricité, soit 65 % de l’électricité produite par les énergies renouvelables, constituant ainsi la 1ère filière de production d’énergie électrique renouvelable en France. L’activité génère plus de 20 000 emplois à l’échelle nationale (étude BIPE 2012 pour le SER).

1. Améliorer la gouvernance liée à l’hydroélectricité au niveau de l’État pour mieux articuler les politiques publiques qui lui sont applicables
Les projets hydroélectriques, qu’ils soient soumis à une autorisation au titre de la loi sur l’eau (< 4,5 MW) ou au régime des concessions (> 4,5 MW) ne bénéficient pas de la même tutelle alors que les problématiques économiques,  fiscales ou environnementales sont de même nature. L’hydro-électricité fait appel à de très nombreuses problématiques techniques, industrielles et scientifiques. Ces enjeux de natures diverses et d’un niveau technique élevé rendent complexes, voire contradictoires, un certain nombre de dispositions applicables à la  filière.

Le SER propose que l’ensemble de la  filière relève, au sein du ministère de l’Energie, de la direction en charge de l’énergie, qui doit pouvoir compter sur une expertise de haut niveau. Cette nouvelle organisation doit permettre de renforcer la cohérence entre les politiques publiques liées d’une part au développement des énergies renouvelables et d’autre part à la préservation de l’environnement.

2. Concilier politique environnementale et énergétique
La nécessité de prendre en compte les enjeux environnementaux a permis d’engager l’hydroélectricité dans le sens de l’amélioration et de la préservation du bon état écologique des eaux. La  filière s’est désormais largement approprié cette préoccupation, comme en témoigne sa mobilisation pro-active en faveur d’une hydroélectricité de haute qualité environnementale. 

Néanmoins, l’ampleur, la précision et la généralisation des prescriptions environnementales n’ont cessé de croître au détriment de la production d’électricité renouvelable, générant un empilement de normes de différentes natures et de prérequis disproportionnés. C’est ainsi que la contribution de la  filière au développement durable, aux objectifs de qualité de l’eau et de respect de la biodiversité, s’est traduite dans les faits par l’obligation de mise en œuvre de prescriptions environnementales très lourdes (franchissement piscicole notamment) sans bilan coût-efficacité et par une baisse importante du potentiel de développement de nouveaux aménagements ainsi que du productible des aménagements existants. 

La profession plaide donc en faveur d’une meilleure transparence sur les objectifs et les résultats de la politique environnementale, afin d’aboutir à un cadre règlementaire et législatif plus équilibré. La révision de la Directive cadre sur l’eau (DCE) doit être l’opportunité pour l’Europe comme pour la France de concilier plus efficacement les politiques environnementale et énergétique. La législation française sur l’eau et sa mise en œuvre doivent être fondées sur la conciliation des usages de l’eau, adossées à une analyse scientifique et contradictoire des enjeux et à l’évaluation du ratio coûts / bénéfices, ainsi que le prévoit la DCE.

A noter également : nouveau scénario négaWatt

Le nouveau scénario négaWatt 2017-2050, avec objectif 100% renouvelables, a été rendu public le 25 janvier 2017. Ce scénario prévoit une production hydraulique constante, mais avec des pertes de productible dues à des aménagements de biodiversité et à une baisse tendancielle estimée à 15% de débit disponible. En d'autres termes, pour tenir cet enjeu de production hydro constante avec 15% de débit (donc puissance) en moins, il faut en réalité augmenter la puissance actuellement installée. Donc restaurer énergétiquement des milliers de sites déjà en place mais ne produisant plus (le potentiel des moulins seuls, hors barrages, serait de l'ordre de 1000 MW). A noter que pour négaWatt, le stockage se fait par la voie du biogaz (méthanation) et non pas par des STEP (ou par l'hydrogène couplé à l'hydro-électrique, comme cela commence à apparaître). En fait, il faudra sans doute équiper davantage les moulins et usines à eau si l'on ne parvient pas à tous les objectifs de réduction de la consommation énergétique prévus dans ce scénario négaWatt. Pour rappel, ces objectifs (baisse de 63% de l'énergie primaire et de 50% de la consommation finale) sont jugés très ambitieux par les énergéticiens vu ce qu'ils demanderaient en investissement constant sur 3 décennies dans les infrastructures logement, transport et chauffage, alors que la puissance publique ne parvient déjà pas à impulser et financer des objectifs intermédiaires beaucoup plus modestes.

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